samedi 28 mars 2020

Contribution à la critique anthropologique d’une pandémie au XXIè siècle - 1

Ce qui est en train de se passer est une expérimentation totalitaire

 


« Après des millénaires de rationalité, la panique s'empare de nouveau de l'humanité, dont la domination acquise sur la nature devenue domination de l'homme excède de loin en horreur ce que les hommes eurent jamais à craindre de la nature. »

Adorno (T.W), Minima moralia, réflexions sur la vie mutilée (1951), Paris, Payot, 2003, p. 122.



« Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous allez croire en ces mensonges, mais que plus personne ne croira en plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire, est privé – non seulement de sa capacité d’agir – mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et d’un tel peuple, vous ferez ce que vous voudrez... »

Arendt (H), Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 45



« Quant à la critique proprement dite, j’espère que les philosophes comprendront ce que je vais dire : pour être juste, c’est-à-dire pour avoir sa raison d’être, la critique doit être partiale, passionnée, politique, c’est-à-dire faite à un point de vue exclusif, mais au point de vue qui ouvre le plus d’horizons ».

Baudelaire (C), « Salon de 1846 », in Curiosités esthétiques, Œuvres complètes 1868, p. 77.

 


Saison 1

(Régime de la fausse conscience)


Une analyse superficiellement écologiste pourrait trouver dans cette pandémie des raisons d’espérer : réduction des transports inutiles (tout particulièrement aériens), prévision d’un ralentissement de la croissance et donc prévision d’une baisse des pollutions (par exemple, la chute d’activité en Chine a diminué en février les émissions de gaz à effet de serre, de l’équivalent de la production annuelle des Pays-Bas), etc.

Une analyse superficiellement critique pourrait même se réjouir que le confinement donne à chacun le temps et l’occasion de se poser la question du sens réel de la vie mutilée qualifiée d’ordinaire, au point peut-être de se mettre à espérer déboucher sur une critique radicale du consumérisme quotidien : rien de plus bizarre aujourd’hui que de consacrer quelques minutes à regarder des publicités télévisées, dont les contenus si peu essentiels sont si évidemment en décalage avec la situation vécue…

On pourrait même croire, selon certains démagogues superficiellement sociaux humanistes, à l’avènement d’un changement de paradigme par lequel ces temps de crise sont en train de fournir la preuve qu’un changement de cap est possible. Mais quand le premier exemple concret fourni est – en France – celui d’une relocalisation de l’industrie automobile des pièces détachées, comment – au-delà de la colère mêlée de lassitude – ne pas penser qu’on part de très, très loin… Et qu’aucun horizon d’utopie ne semble en réalité se profiler.

Tout au contraire, ce qui vient n’est ni l’insurrection, ni la grève générale, c’est une dystopie. Au XIXe siècle, les socialistes les plus utopiques voyaient dans les expérimentations minoritaires, les semences de la transformation sociale. Mais ce qui est en train de se passer est une expérimentation – ni minoritaire, ni majoritaire – mais totalitaire, dans laquelle la fin affichée – sauver des vies – justifie tous les moyens. Quand on se souvient à quel point dans les temps précédents, les gouvernements dits démocratiques ont fait preuve d’insensibilité face aux vies définitivement réifiées, on peut s’attendre à ce que la suite leur donne tout le temps pour accentuer la violence économique, sociale et politique.


Saison 2
(Régime de l’impasse cognitive)


Pourtant depuis quelques années, les alertes répétées des scientifiques quant à la crise (systémique, écologique anthropologique)  provoquée par la démesure technique et économique des sociétés post-industrielles, laissaient entrevoir la possibilité d’un tel effondrement. Dans un tel contexte, une révolution de l’esprit,  un renversement des modes de problématisation, un nouveau questionnement du sens de la vie naturelle au sein dans un monde machinique d’erzatz visant leur propre autonomie,   semblait dès lors indispensable. Sans une telle révolution cognitive, il ne semblait en effet pas envisageable de rompre avec les logiques du calcul et de la production ordonnée par la seule rationalité instrumentale,  au sens où le calcul conduit à sortir de ce qu’Aristote visait comme « la quête de la bonne vie : l’amélioration réfléchie de ce qui existe déjà ».

Cette fuite en avant dans tous les domaines de la vie aliénée et mutilée qui caractérise le capitalisme depuis son essor, mettait en danger tant la survie de l’humanité que celle de la biodiversité. Chacun d’entre nous le savait, chacun d’entre nous le redoutait, chacun d’entre nous continuait dans l’illusion du même. Par confort de l’esprit, par paresse intellectuelle, par renoncement cognitif. Certes rien n’était joué d’avance, mais il n’était pas déraisonnable de penser que la mort, si nous n’y prenions pas garde, pourrait avoir le dernier mot.

Pourtant, la conscience de cette mort - radicale car définitive – n’a pas permis de commencer à mettre en œuvre un redressement de la trajectoire. Comme s’il n’était pas possible de penser, d’imaginer, de rêver autrement que sous le régime de la vie réifiée. Comme si malgré les avertissement de Dante, « entré dans les entrailles de l’enfer », nous ne discernions même plus le « purgatoire du principe espérance », voire le « paradis d’une utopie matérialiste à visage humain ».

Face à cette impuissance de la pensée, la nature nous a dès lors repris la parole. La pandémie, à laquelle personne ou presque n’était préparé, est venue toutes et tous nous prendre à revers. Brutalement, ce qui semblait inimaginable, un virus, l’a fait advenir : la « machine, le système si souvent incriminés mais jamais démontés » tout s’est arrêté ! La menace de mort, parce qu’elle s’est soudain terriblement rapprochée, nous a fait préférer la survie à la poursuite de notre trajectoire, révélant en creux le vide tragique de notre pensée, l’osolecence du logos inanimé de l’antropos.



Saison 3
(Régime de l’inconscient politique)


Dans sa contribution au savoir (théorique et médical) sur l’être humain, S. Freud avait en son temps pris des positions politiques très affirmées sur cette possible tragédie à venir. Que ce soit seul ou dans des textes à 4 mains avec Romain Rolland ou  Albert Einstein. Aujourd’hui dans les circonstances d'une pandémie mondiale qui nous assigne à éprouver en chair et en acte  les limites de ce que nous pensions comme le stade suprême de  la liberté de mouvement et de conscience, l'héritage se réclamant d'un tel auteur - si exigent sur le plan épistémologique - nous invite  à reprendre un certains nombre de concepts (qui avant de devenir des poncifs de la psychosociologie instrumentalisée) on eu le mérite d'être construits dans un modèle théorique, dont la visée était avant tout (et le reste aujourd'hui) celle dévoilement de processus aveugles au sujets qui composent un corps social.

Le premier de ces concepts est celui du déni : « déni incontestable » de la réalité de la part des responsables politiques, quelle que soit leur obédience politique à l’échelle du globe. Le virus n’est pas responsable.  Il a contaminé la planète sans états d’âme et sans faire de distinction. L’Homme d’Etat lui a laissé la place libre : il était prévenu du danger, il n’a pourtant rien prévu. C’est une vraie tâche aveugle au sens freudien du terme, qui cache le désir inconscient. De multiples alertes avaient annoncé la pandémie : la contagion d’Ebola, puis de ESB, du SRAS, des grippes aviaires et porcines. Elle a servi de scénario à des films, des livres de science-fiction. Des centaines d’articles scientifiques l’avaient prévu. Ce déni qui procède de l’inconscient cache bien à propos un désir de faire souffrir, de marquer la distance entre le citoyen et l’Homme d’Etat. La question se pose et la réponse se lit à la lueur du résultat : c’est une inadaptation de plus en plus grande du système de santé. Les personnels soignants ont exprimé avec force leur souffrance au travail, mais en vain. Depuis plus d’une décennie l’organisation des soins a pâti d’une baisse importante du nombre de lits et du personnel médical. Cette politique était-elle nécessaire pour faire des économies ? Cette excuse ne tient pas, car l’argent nécessaire a toujours été disponible. Et aujourd’hui la Banque Centrale Européenne comme la FED aux Etats-Unis, le distribuent sans hésiter pour aider les grands groupes. La préservation de la vie : la santé, l’éducation, la durée du temps de travail sont comptabilisés comme s’il s’agissait de dépenses. En même temps le vivant est rentabilisé avec les brevets, les médicaments, le secteur privé. Cette financiarisation de la vie est prétexte à un sadisme inconscient. Tout se passe donc comme si ce déni inconscient avait comme objectif le désir de faire souffrir.
Le second concept freudien à mobiliser est celui de l'acte manqué.  A travers son double langage, celui électoraliste des promesses par les mots  (qui selon l'adage  n'engagent que ceux que celles/ceux qui y croient) contredit au quotidien  par des choix politique et stratégiques en actes (au service d'un processus aveugle), l'homme politique post-keynesien - ne pouvant avouer sa totale impuissance - en est rendu à ce stade itératif de l'acte manqué. Aujourd’hui, l’Homme d’Etat - prétendument démocrate et civilisé - donne l’impression d’ajouter à  la violence première du déni, le plaisir de l'acte manqué dans la compassion simulée à l’égard de ses victimes, alors qu’il les a sciemment surexposées au danger. Comble de l'acte manqué,  il jouit de compatir avec eux sans changer de politique. Dès lors la vision de l’histoire selon laquelle le libéralisme cherche le profit sans tenir compte de ceux qui le produisent – voir au détriment de  leur épanouissement donc indirectement par leur souffrance  -  est partagée bien au-delà des marxistes. Elle n’est pas contradictoire avec un point de vue psychanalytique qui considère le sadisme comme le motif inconscient de bien des événements historiques. Cette interprétation psychanalytique du politique avait déjà été envisagée dès les années 1930 par Adorno et Horkheimer et Marcuse. Ce sont les travaux critiques de l’Ecole de Francfort qui trouvent peut-être leur démonstration la plus évidente aujourd’hui dans la dimension de l’inconscient politique à l’œuvre dans la crise du Covid 19.


Saison 4
(Régime de la rationalité instrumentale)


Comme le déroulé prévisible et imparable d’une pathologie collective annoncée, les effets cumulés de la fausse conscience, de l’impasse cognitive, et de l’inconscient politique à l’œuvre deviennent alors les ressorts essentiels d’une dystopie civilisationnelle où - à l’insu des sujets eux-mêmes – la rationalité instrumentale process dialectique de la raison pratique et de la raison pure, annihile définitivement la critique comme faculté de juger…

Car ce qui est devant nos yeux, c’est la dystopie économique : il est trop tard pour réviser des politiques antérieures qui aujourd’hui – par faute de moyens financiers comme humains – déterminent une stratégie d’improvisation totale. C’est même l’occasion, sinon l’aubaine, pour accélérer les processus de dématérialisation des activités : télétravail, téléconsultation, la web-école, la culture en un clic, etc. Que penser d’une société qui maintient le travail tout en interdisant de partir en vacances ?
Car ce qui est devant nos yeux, c’est la dystopie sociale, sous le nom de distanciation sociale, car c’est bien d’isolement individuel qu’il s’agit. Et en traitant aujourd’hui d’imbéciles les réfractaires au confinement, on continue dans cette logique sociocidaire de la réduction de toute responsabilité. Que penser d’une société qui ne semble capable de penser le confinement que sur le modèle foucaldien de l’emprisonnement ?

Car ce qui est devant nos yeux, c’est la dystopie politique : ses formes de contrôles numériques et droniques, les listes démultipliées qui inventorient les lieux, les déplacements, les activités, les comportements autorisés : tout ce qui n’est pas permis devient interdit. Que penser d’une société dans laquelle cette inversion du permis et de l’interdit semble ne susciter aucun débat public ? Et après ?



Saison 5
(Régime de la dialectique négative de la valeur)


Finalement dans le miroir obscur de cette pandémie, l'état d’exception (ou d’urgence selon la terminologie employée par chaque pays) semble avoir accompli – au moins en partie – le rêve du Capital devenu sujet automate. Dans l'hypothèse où l’épisode dystopique et sadique que nous vivons en ce moment, se révélerait comme un épisode infini, il serait aisé d’imaginer une population totalement habituée aux rapports virtuels, au confinement nourri par Netflix et les services de livraison de nourriture à domicile. Les voyages seraient interdits, restreints aux flux des marchandises, fruits d’un secteur productif majoritairement automatisé. Le spectacle, qui depuis longtemps s’efforçait de détruire la rue, d’abolir la rencontre et de faire disparaître tous les espaces de dialogue – pour anéantir les alternatives à la pseudo-communication spectaculaire – aurait finalement atteint son but. L’espace réel, délaissé par les êtres humains confinés et obligés de s’enfuir dans la virtualité, n’appartiendrait plus qu’aux marchandises. La circulation humaine, sous-produit de la circulation des marchandises, serait finalement devenue superflue, et le monde en entier livré aux marchandises et leurs passions, nouvelle forme de fétichisme absolu[1]. Ceci n’est qu’un exercice d’imagination – un scénario improbable pour l’instant – mais il est aisé d’anticiper que dans l’avenir nous pourrions assister à une augmentation du contrôle des flux globaux et de la circulation de personnes sous des prétextes sanitaires, avec une progressive normalisation des procédés d’exception.

Finalement le corona virus compris dans sa dramatique totalité, est à la fois le projet et le résultat d'un mode de production et d'organisation sociale déterminés. Il n'est pas un accident du monde réel, sa sortie de route inopinée… Il est le cœur de la superfluité de l'homme dans une société réelle administrée par les flux boursiers. Sous toutes ses formes particulières information ou propagande, publicité ou consommation directe de spectacles – le corona virus constitue le modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l'affirmation omniprésente du choix déjà fait, dans la production, et sa consommation corollaire. Forme et contenu du corona virus sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant. Où le Sujet n'est plus qu'un Objet. Où l'émancipation (individuelle et collective) a définitivement laissé place à la réification généralisée. Après la crise, viendra le temps des factures (et des fractures). Et dans un tel contexte qui peut croire qu’un seul gouvernement dans le monde en profitera pour imposer[1]  un changement radical de cap ?. Imposer, non pas au sens historique d’un régime totalitaire mais bien au sens d’une volonté politique programmatique, issue d’une souveraineté  populaire , dont les élu(e)s d’une époque ne sont à travers le suffrage démocratique que les vecteurs pratiques.



Mais dans un tel contexte alors,  la seule question qui vaille reste (car à ce jour inachevée) celle de la forme-valeur posée – entre autres – par le Vieux Karl dans sa si fameuse section I du Capital. Marx opère à cet endroit une critique radicale, une rupture épistémologique totale de la théorie ricardienne de la valeur comme travail dépensé. C’est à partir de cette hypothèse qu’il parle du capital comme sujet automate[2]. Dès lors :

·        Le capitalisme serait-il aujourd’hui la simple continuation - comme l’achèvement de l’économie politique classique - de qui Marx aurait hérité pour son objet comme pour ses concepts ? Dans une telle hypothèse le capitalisme mutant de la globalisation se distinguerait seulement de « l’économie classique » non par son objet, mais par sa seule méthode, la dialectique empruntée à Hegel ;

·        Ou bien, tout au contraire, Le capitalisme financiarisé du XXIè (ou économie vulgaire) constituerait-il une véritable rupture épistémologique tant dans son objet et sa théorisation, que dans sa méthode ? Dans cette seconde hypothèse le Capital représente alors la fondation en acte d’une discipline nouvelle, d’une science - nécessitant à la fois le dépassement de l’économie politique classique[3] et celui combiné des modèles[2]  hégélien et feuerbachien, restés finalement dans leur préhistoire[4]. La forme valeur comme le commencement absolu de l’histoire d’une science échappant à l’Homme. Dont il conviendrait d'opérer de toute urgence la critique radicale.



Bien loin des scénarios d’effondrement ou de décroissance choisie, comment ne pas constater qu’après celle de 2001, celle de 2008, chaque crise aura été l’occasion d’une accélération des formes les plus déshumanisantes de la vie en commun, au profit de l’avènement scientifique (sans critique) de la forme valeur/sujet automate[5] ? Ce que nous ressentons comme le moins problématique en ce moment est sans doute ce qui exige précisément d’être problématisé. Finalement, au sortir du confinement, il nous faudra opérer une RÉELLE et DOUBLE distanciation :

·        d'abord la distanciation cognitive de la forme valeur, colonisée par la religion de l'économie politique classique ;

·        ensuite la distanciation anthropologique par rapport à cette forme classique de société prétendument moderne, occasion alors de repenser de manière critique les séparations/réifications qui la fondent, et les limites imposées à la vie quotidienne des sujets.
À défaut d'une telle exigence intellectuelle, comment croire qu’à l’occasion de la sortie de cette pandémie, c’est l’utopie qui viendra, si DÉFINITIVEMENT nous ne changeons pas de logiciel cognitif !




[1] Marx (K), Le Capital, chap 1, 4e section, « le caractère fétiche de la marchandise et son secret », trad. Rubel (M), Paris Gallimard-Folio, 2008

[2] Dans le chapitre II du Capital, Karl Marx développé ce concept de « sujet automate » - processus spiralaire indéfini largement et toujours occulté encore aujourd’hui par le « marxisme officiel » - et de fait anticipé les conséquences qu’un tel déni produirait en termes d’impasse intellectuelle. Cette thèse du « capital devenu sujet automate » affirme que dans le mode de production capitaliste, la nécessité de valorisation permanente du capital s’impose aux différents agents de la production, et particulièrement à l’État, comme un mouvement aussi inexorable que celui de la Terre tournant autour du soleil. Elle aboutit, entre autres à cette conclusion que les capitalistes, dirigeants d’entreprises ou représentants d’un État sont eux-mêmes dirigés par la nécessité de ce mouvement. Ils ne sont dirigeants qu’en tant qu’ils le mettent en œuvre. C’est cette nécessité aveugle et implacable du mouvement de valorisation permanente qui reproduit le capital en l’accroissant et l’accumulant, que cherchent à déconstruire des auteurs comme Robert Kurz, Moishe Postone, ou Anselm Jappe.
In Marx (K), Le Capital, Livre I, Chap.2, « l’auto-valorisation de la valeur et son moyen, le capital », trad. Rubel (M), Paris Gallimard-Folio, 2008

[3] C’est Karl Marx qui invente l'expression "économie politique classique" pour désigner les auteurs qui ont contribué à mettre en évidence la "connexion interne" des formes de la richesse et à en rechercher les lois scientifiques fondamentales : d'une part en Angleterre, les auteurs de W. Petty à Ricardo, d'autre part en France, les auteurs de Boisguilbert à Sismondi. Selon Marx, Malthus et Mill marquent plus tard la transition de l'"économie classique" vers l'"économie vulgaire", tandis que J.-B. Say et R. Mc Culloch représentent une première phase de l'"économie vulgaire", qui raisonne dans un monde d'apparences et tombe dans l'apologie du mode de production capitaliste.

[4] Les Thèses sur Feuerbach sont onze courtes notes philosophiques écrites par Marx en 1845. Elles esquissent une critique ou un dépassement de toutes les formes d’idéalisme philosophique. Les thèses désignent « la pratique » comme pierre de touche de la vérité, et non plus la « théorie », ni la pensée séparée et atomisée. À la critique de la philosophie idéaliste et de ses critères de vérité, s'ajoute pour Marx l'inscription de la théorie dans les rapports sociaux.
Concernant Hegel, on sait que Marx a écrit de « la dialectique hégélienne qu’elle est sur la tête [et qu’] il faut la retourner pour découvrir le noyau rationnel sous l’enveloppe mystique ». On a souvent conclu de ce passage que Marx avait appliqué la dialectique hégélienne sous sa forme rationnelle à l’économie politique. Or une telle interprétation néglige l’insistance, commune à Hegel et Marx, sur la dépendance des concepts à l’égard de leurs objets et sur l’impossibilité, pour toute analyse rigoureuse, de se prévaloir d’une méthode universellement valable par-delà la diversité des objets examinés.


[5] Lohoff (E) - Trenckle (N), La grande dévalorisation : pourquoi la spéculation et la dette de l’État ne sont pas les causes de la crise, Trad. Braun (P), Briche (P) et Roulet (P), Paris, Post-Editions, 2014



 

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