1
Toute
la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions
modernes de la critique du positivisme classique, s’annonce
comme une immense accumulation de paradoxes.
2
Le
paradoxe se présente à la fois comme le système même
(sujet/sociéte), comme une partie du système, et comme instrument
d’unification. En tant que partie du système il est expressément
le secteur qui (depuis la révolution quantique) concentre tout
regard et toute conscience. Du fait même que ce secteur est
séparé , il est le lieu du regard abusé et de la fausse
conscience ; et l’unification qu’il accomplit n’est rien
d’autre que le langage officiel de la séparation réunifiée.
3
Le
paradoxe, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et
le projet du mode de critique existant. Il constitue le modèle
présent de la vie critique dominante. Il est en même temps
l’affirmation omniprésente du choix déja fait d’une critique du
système monde, et de sa production corollaire. Forme et contenu du
paradoxe sont identiquement la justification des conditions et des
fins du système existant. Le paradoxe est enfin la présence
permanente de cette justification, en tant qu’occupation de la part
principale du temps vécu, hors de la critique réelle.
4
Le
paradoxe n’est pas seulement un ensemble de critiques, mais un
rapport social et historique entre systèmes (sujet/société),
médiatisé par des critiques
paradoxales. Il ne
peut être compris comme l’abus d’un monde critique mais bien
comme le produit des techniques de diffusion massive de critiques
paradoxales . Il est
une critique réellement
impuissante, devenue effective, matériellement traduite,. C’est
une critique du système monde qui s’objective.
5
Le
paradoxe qui inverse le réel est effectivement critique. En même
temps que la réalité vécue est matériellement envahie par la
contemplation du paradoxe, elle reprend en elle-même l’ordre
critique du paradoxe en lui donnant une adhésion positive. Ainsi,
la réalité surgit dans le paradoxe, et le paradoxe apparaît
réel.
6
Le
paradoxe est l’affirmation de l’apparence critique et
l’affirmation de toute vie sociale, c’est-à-dire
paradoxale comme
simple apparence critique. Mais la critique contemporaine qui atteint
la vérité du paradoxe le découvre comme la négation visible de
la critique ; comme une négation de la critique réelle qui est
devenue visible.
7
Pour
décrire le paradoxe, sa formation, ses fonctions, et les forces qui
tendent à sa réalisation, il faut distinguer artificiellement des
enchevêtrements inséparables. En analysant le paradoxe, on parle
dans une certaine mesure le langage même du paradoxe , en ceci que
l’on passe sur le terrain méthodologique de cette sorte de
critique du système (sujet/société) qui s’exprime dans la
réification.
Mais le paradoxe n’est rien d’autre que le sens de la société
qui fonde sa cause sur sa critique, son emploi du temps. C’est le
moment historique qui nous contient. Sa chronique.
8
Le
paradoxe est le discours ininterrompu que l’ordre du monde tient
sur lui-même, son monologue élogieux, une critique supplémentaire
— un divin, hydrogène
transformé en hélium.
Le paradoxe, fétiche,
domine notre environnement de ses lois fatales. Il n’est pas le
produit nécessaire du développement naturel critique, il est au
contraire la
forme qui choisit son propre contenu critique.
9
Le
paradoxe est l’héritier de toute la faiblesse du projet
philosophique de Karl Marx, qui fut une compréhension de l’activité
humaine dominée par les catégories de l’idéologie anglaise :
l’économie politique devenue paradoxalement
religion. Le paradoxe ne critique pas la philosophie de Marx, il
philosophise sa critique : il la rend quotidienne. C’est la vie
concrète de tous, dégradée en un univers critique de paradoxes
infalsifiables.
10
Le
paradoxe soumet les hommes vivants dans la mesure où la critique
paradoxale de Karl
Marx les a totalement soumis. Il est le contraire de l’échange
des idées critiques et de la critique des idées de l’échange.
Partout où il y a représentation de critique
paradoxales, le
paradoxe se reconstitue.
11
Le
paradoxe exprime ce que tout système (sujet/société) peut
faire, mais dans cette
expression le permis
s’oppose absolument
au possible. Il
montre ce qu’il est : la puissance aliénée au service de la
critique.
13
Le
paradoxe se présente comme une nouveau paradigme indiscutable et
inaccessible. L’attitude qu’il exige par principe est cette
acceptation passive qu’il a déja obtenue par sa manière de
critiquer sans réplique, par son monopole de la critique réifiée.
14
Si
les besoins sociaux de l’époque où se développe de tel processus
critiques ne peuvent
trouver de satisfaction que par la pratique du
retrait, c’est parce
que le paradoxe est une communication
unilatérale ; de
sorte que sa concentration revient à accumuler dans les mains de
l’administration
critique, les moyens
qui lui permettent de poursuivre son existence. Dans la scission
entre la critique positive et la critique paradoxale, c’est bien
toujours le même paradoxe qui surgit : la lutte d’une classe pour
la légitimité critique.
15
Tout
communauté critique et tout matérialisme-pratique se sont dissous
au long de ce processus, dans lequel les forces qui ont pu grandir en
s’aliénant mutuellement ne se sont pas encore retrouvées. Rien
dans l’activité volée de la critique
paradoxale ne peut se
retrouver dans la soumission à son résultat.
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Le
paradoxe fondé sur l’isolement de la critique est une production
circulaire de la critique. Il est le langage commun de l’aliénation
de tous les critiqueurs. Il réunit les aliénés mais il les réunit
en tant que critiqueurs
aliénés.
17
L’aliénation
du critiqueur au profit du paradoxe contemplé s’exprime ainsi :
moins il critique, plus il vit / moins il accepte de se reconnaître
dans les images dominantes du besoin, plus il comprend sa propre
existence et son propre désir : le matérialisme-pratique.
18
Le
succès de la critique paradoxale, son abondance - abondance de
l’absence de matérialisme-pratique - est réification du mouvement
dialectique. Dans la boucle étrange que constitue tout paradoxe, le
temps et l’espace du critiqueur lui deviennent étrangers. Le
paradoxe devient un état réifié, carte d’un nouveau monde qui
recouvre exactement son territoire.
19
Le
paradoxe est la critique
paradoxale réifiée à
un tel degré d’accumulation qu’elle devient valeur chronique du
Capital .
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