lundi 9 février 2015

Une immense accumulation de paradoxes.




1
Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de la critique du positivisme classique, s’annonce comme une immense accumulation de paradoxes.

2
Le paradoxe se présente à la fois comme le système même (sujet/sociéte), comme une partie du système, et comme instrument d’unification. En tant que partie du système il est expressément le secteur qui (depuis la révolution quantique) concentre tout regard et toute conscience. Du fait même que ce secteur est séparé , il est le lieu du regard abusé et de la fausse conscience ; et l’unification qu’il accomplit n’est rien d’autre que le langage officiel de la séparation réunifiée.

3
Le paradoxe, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de critique existant. Il constitue le modèle présent de la vie critique dominante. Il est en même temps l’affirmation omniprésente du choix déja fait d’une critique du système monde, et de sa production corollaire. Forme et contenu du paradoxe sont identiquement la justification des conditions et des fins du système existant. Le paradoxe est enfin la présence permanente de cette justification, en tant qu’occupation de la part principale du temps vécu, hors de la critique réelle.

4
Le paradoxe n’est pas seulement un ensemble de critiques, mais un rapport social et historique entre systèmes (sujet/société), médiatisé par des critiques paradoxales. Il ne peut être compris comme l’abus d’un monde critique mais bien comme le produit des techniques de diffusion massive de critiques paradoxales . Il est une critique réellement impuissante, devenue effective, matériellement traduite,. C’est une critique du système monde qui s’objective.

5
Le paradoxe qui inverse le réel est effectivement critique. En même temps que la réalité vécue est matériellement envahie par la contemplation du paradoxe, elle reprend en elle-même l’ordre critique du paradoxe en lui donnant une adhésion positive. Ainsi, la réalité surgit dans le paradoxe, et le paradoxe apparaît réel.

6
Le paradoxe est l’affirmation de l’apparence critique et l’affirmation de toute vie sociale, c’est-à-dire paradoxale comme simple apparence critique. Mais la critique contemporaine qui atteint la vérité du paradoxe le découvre comme la négation visible de la critique ; comme une négation de la critique réelle qui est devenue visible.

7
Pour décrire le paradoxe, sa formation, ses fonctions, et les forces qui tendent à sa réalisation, il faut distinguer artificiellement des enchevêtrements inséparables. En analysant le paradoxe, on parle dans une certaine mesure le langage même du paradoxe , en ceci que l’on passe sur le terrain méthodologique de cette sorte de critique du système (sujet/société) qui s’exprime dans la réification. Mais le paradoxe n’est rien d’autre que le sens de la société qui fonde sa cause sur sa critique, son emploi du temps. C’est le moment historique qui nous contient. Sa chronique.

8
Le paradoxe est le discours ininterrompu que l’ordre du monde tient sur lui-même, son monologue élogieux, une critique supplémentaire — un divin, hydrogène transformé en hélium. Le paradoxe, fétiche, domine notre environnement de ses lois fatales. Il n’est pas le produit nécessaire du développement naturel critique, il est au contraire la forme qui choisit son propre contenu critique.

9
Le paradoxe est l’héritier de toute la faiblesse du projet philosophique de Karl Marx, qui fut une compréhension de l’activité humaine dominée par les catégories de l’idéologie anglaise : l’économie politique devenue paradoxalement religion. Le paradoxe ne critique pas la philosophie de Marx, il philosophise sa critique : il la rend quotidienne. C’est la vie concrète de tous, dégradée en un univers critique de paradoxes infalsifiables.

10
Le paradoxe soumet les hommes vivants dans la mesure où la critique paradoxale de Karl Marx les a totalement soumis. Il est le contraire de l’échange des idées critiques et de la critique des idées de l’échange. Partout où il y a représentation de critique paradoxales, le paradoxe se reconstitue.

11
Le paradoxe exprime ce que tout système (sujet/société) peut faire, mais dans cette expression le permis s’oppose absolument au possible. Il montre ce qu’il est : la puissance aliénée au service de la critique.

13
Le paradoxe se présente comme une nouveau paradigme indiscutable et inaccessible. L’attitude qu’il exige par principe est cette acceptation passive qu’il a déja obtenue par sa manière de critiquer sans réplique, par son monopole de la critique réifiée.


14
Si les besoins sociaux de l’époque où se développe de tel processus critiques ne peuvent trouver de satisfaction que par la pratique du retrait, c’est parce que le paradoxe est une communication unilatérale ; de sorte que sa concentration revient à accumuler dans les mains de l’administration critique, les moyens qui lui permettent de poursuivre son existence. Dans la scission entre la critique positive et la critique paradoxale, c’est bien toujours le même paradoxe qui surgit : la lutte d’une classe pour la légitimité critique.

15
Tout communauté critique et tout matérialisme-pratique se sont dissous au long de ce processus, dans lequel les forces qui ont pu grandir en s’aliénant mutuellement ne se sont pas encore retrouvées. Rien dans l’activité volée de la critique paradoxale ne peut se retrouver dans la soumission à son résultat.

16
Le paradoxe fondé sur l’isolement de la critique est une production circulaire de la critique. Il est le langage commun de l’aliénation de tous les critiqueurs. Il réunit les aliénés mais il les réunit en tant que critiqueurs aliénés.

17
L’aliénation du critiqueur au profit du paradoxe contemplé s’exprime ainsi : moins il critique, plus il vit / moins il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, plus il comprend sa propre existence et son propre désir : le matérialisme-pratique.

18
Le succès de la critique paradoxale, son abondance - abondance de l’absence de matérialisme-pratique - est réification du mouvement dialectique. Dans la boucle étrange que constitue tout paradoxe, le temps et l’espace du critiqueur lui deviennent étrangers. Le paradoxe devient un état réifié, carte d’un nouveau monde qui recouvre exactement son territoire.

19
Le paradoxe est la critique paradoxale réifiée à un tel degré d’accumulation qu’elle devient valeur chronique du Capital .

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Point de vue de l’Aranea

    Ils avaient cherché refuge dans ces pierres ancestrales, accumulées les unes sur les autres depuis longtemps, et soudées par la magie d’...