"La
grande majorité de la population semble se contenter des loisirs et
des gadgets offetrs par la société de consommation avec par
intermitence quelques réactions ponctuelles et corporatistes, qui ne
tirent a pas à conséquence. Elle ne nourrit aucun désir
collectif, aucun projet à part la sauvegarde du statu quo"
(Cornélius
Castoriadis, Les carrefours du labyrinthe
(Tome 1), Paris Seuil 1989)
"Pourquoi
ne parlerait-on pas aujourd'hui de ce temps où le peuple se tenait
si mal à la table de l'histoire ? En 1793, il avait faim, il prit à
manger, il avait froid, il apprit à se chauffer et il inventa, chef
d'oeuvre escamoté parce qu'il l'avait rêvé, la constitution du 24
Juin 1793"
(Pierre
Bourdieu, Ce que parler veut dire,
Paris, Seuil, 1987)
A propos de de la
création et de la richesse :
Autant que les phases de
création, les phases de de décomposition d'une société sont
inexplicables. A Athènes, au VIè et Vè siècle avant J.C., on a la
création de la Démocratie, l'apparition des grands poètes
tragiques, et une foule de créations extraordinaire sur le plan de
la société civile. Au IVè siècle, c'est déjà fini et il n'y a
par exemple plus aucun grand poète. Pourquoi ? Certes la guerre du
Péloponnèse et la défaite athénienne jouent certainement un grand
rôle.Pourtant Thucydide écrit des pages immortelles sur la
corruption généralisée et entre autre celle du langage, dont les
mots se mettent à signifier le contraire de ce qu'ils signifiaient
au départ, et à être utilisés dans des sens contradictoires en
fonction du contexte et de la place de celui ou celle qui les
prononcent. Mais la défaite ne suffit pas pour expliquer pourquoi
le "Démos", le peuple n'est plus le même. De même que
l'enlisement dans ce qu'on appelle la crise, ne suffit comme seule
explication. Pourquoi les individus comme les sociétés perdent-ils
leur pouvoir de création ? La période contemporaine est
particulièrement troublante de ce point de vue : il y a eu tous ces
mouvements d'émancipation en deux siècles : le mouvement ouvrier
plus ou moins confisqué par le marxisme, puis le marxisme qui s'est
lui même scindé en deux courants opposés : le bolchévisme qui a
donné le goulag, et la social-démocratie qui s'est prostituée au
capital. Le résultat a été que la passion, l'énergie de c eux
qui ont cru en ces idées, se sont évanouies au fur et à mesure que
leur rêve s'altérait.
A propos de la
participation :
La participation est en
partie liée à la force de la conviction, à quelque chose qui
s'apparente de près à la croyance. C'est aussi une question de
volonté. Et les deux sont inséparables dans le domaine politique.
L'histoire humaine est toute entière création. L'apparition de
nouvelles formes sociales-historiques n'est pas prédictible, car
elle n'est ni productible, ni déductible de ce qui la procède.
Un "sociologue-éthnologue-psychanalyste" martien qui
aurait atterri en en 850 avant J. C. n'aurait certainement pas pu
prédire la démocratie athénienne. Ni en 1780 prédire la
révolution française. Or dire que ces formes résultent d'une
création non déterminée des êtres humains, signifie que leur
création apparaît, du point de vue de la logique habituelle, comme
un cercle vicieux. Ce n'est pas le paysan vénérant son seigneur
qui participe aux mouvements qui précèdent et suivent la nuit du 4
août. En même temps qu'il y a un mouvement collectif, les individus
se transforment, et en même temps qu'ils changent, émerge un
mouvement collectif. Il n'y a pas de sens à demander lequel précède
l'autre : les deux présuppositions dépendent l'une de l'autre et
sont crées en même temps. Il est vrai que les gens aujourd'hui ne
croient plus à la possibilité d'une action de leur part sur le
Politique. Ils ne croient pas parce qu'il ne veulent pas le
croire, et ils ne veulent pas le croire parce que ils ne croient pas.
Mais si jamais ils se mettent à le VOULOIR, ils CROIRONT et ils
POURRONT.
A propos de
l'engagement.
Refuser tout
fatalisme.Toute vie permet à un moment donné de comprendre que les
significations historiques du monde dans le quel nous évoluons,
n'ont pas de source "absolue", que leur véritable source
est notre propre activité créatrice de sens. Une seule exigence de
lucidité : nous sommes mortels! La tâche d'un homme libre est donc
de se savoir perdu dans ce monde à priori vide de sens mais de
construire avec les autres quelque chose qui ait de la signification.
Il n'y a pas de sens immanent dans l'histoire , il n'y aura que le
sens (ou le non sens) que nous seons capable de de créer. Les gens
qui se faisaient tuer sur une barricade ou dans un mouvement de
résistance le savaient : “ c'est le fait que je me bats qui a
un sens , non pas le fait que dans deux siècles ou plus il y aura
une société parfaite ”.
“ Chaque fois que le sens d’un débat dépend de
la valeur fondamentale du mot utile, c’est à dire chaque fois
qu’une question essentielle touchant la vie des sociétés humaines
est abordée, quelles que soient les personnes qui interviennent et
quelles que soient les opinions représentées, il est possible
d’affirmer que le débat est nécessairement faussé et que la
question fondamentale est éludée. Il n’existe en effet aucun
moyen correct, étant donné l’ensemble plus ou moins divergent des
conceptions actuelles, qui permette de définir ce qui est utile aux
hommes. Cette lacune est suffisamment marquée par le fait qu’il est
constamment nécessaire de recourir de la façon la plus
injustifiable à des principes que l’on cherche à situer au-delà
de l’utile et du plaisir : l’honneur et le devoir sont
hypocritement employés dans des combinaisons d’intérêt
pécuniaire et, sans parler de Dieu, l’Esprit sert à masquer le
désarroi intellectuel des quelques personnes qui refusent d’accepter
un système fermé.”
(Georges
Bataille, "La notion de dépense", in La Critique Sociale, Paris,
Janvier 1933).