dimanche 26 juin 2016

Désir - création - participation


"La grande majorité de la population semble se contenter des loisirs et des gadgets offetrs par la société de consommation avec par intermitence quelques réactions ponctuelles et corporatistes, qui ne tirent a pas à conséquence. Elle ne nourrit aucun désir collectif, aucun projet à part la sauvegarde du statu quo"
(Cornélius Castoriadis, Les carrefours du labyrinthe (Tome 1), Paris Seuil 1989)

"Pourquoi ne parlerait-on pas aujourd'hui de ce temps où le peuple se tenait si mal à la table de l'histoire ? En 1793, il avait faim, il prit à manger, il avait froid, il apprit à se chauffer et il inventa, chef d'oeuvre escamoté parce qu'il l'avait rêvé, la constitution du 24 Juin 1793"
(Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, Paris, Seuil, 1987)


A propos de de la création et de la richesse :
Autant que les phases de création, les phases de de décomposition d'une société sont inexplicables. A Athènes, au VIè et Vè siècle avant J.C., on a la création de la Démocratie, l'apparition des grands poètes tragiques, et une foule de créations extraordinaire sur le plan de la société civile. Au IVè siècle, c'est déjà fini et il n'y a par exemple plus aucun grand poète. Pourquoi ? Certes la guerre du Péloponnèse et la défaite athénienne jouent certainement un grand rôle.Pourtant Thucydide écrit des pages immortelles sur la corruption généralisée et entre autre celle du langage, dont les mots se mettent à signifier le contraire de ce qu'ils signifiaient au départ, et à être utilisés dans des sens contradictoires en fonction du contexte et de la place de celui ou celle qui les prononcent. Mais la défaite ne suffit pas pour expliquer pourquoi le "Démos", le peuple n'est plus le même. De même que l'enlisement dans ce qu'on appelle la crise, ne suffit comme seule explication. Pourquoi les individus comme les sociétés perdent-ils leur pouvoir de création ? La période contemporaine est particulièrement troublante de ce point de vue : il y a eu tous ces mouvements d'émancipation en deux siècles : le mouvement ouvrier plus ou moins confisqué par le marxisme, puis le marxisme qui s'est lui même scindé en deux courants opposés : le bolchévisme qui a donné le goulag, et la social-démocratie qui s'est prostituée au capital. Le résultat a été que la passion, l'énergie de c eux qui ont cru en ces idées, se sont évanouies au fur et à mesure que leur rêve s'altérait.

A propos de la participation :
La participation est en partie liée à la force de la conviction, à quelque chose qui s'apparente de près à la croyance. C'est aussi une question de volonté. Et les deux sont inséparables dans le domaine politique. L'histoire humaine est toute entière création. L'apparition de nouvelles formes sociales-historiques n'est pas prédictible, car elle n'est ni productible, ni déductible de ce qui la procède. Un "sociologue-éthnologue-psychanalyste" martien qui aurait atterri en en 850 avant J. C. n'aurait certainement pas pu prédire la démocratie athénienne. Ni en 1780 prédire la révolution française. Or dire que ces formes résultent d'une création non déterminée des êtres humains, signifie que leur création apparaît, du point de vue de la logique habituelle, comme un cercle vicieux. Ce n'est pas le paysan vénérant son seigneur qui participe aux mouvements qui précèdent et suivent la nuit du 4 août. En même temps qu'il y a un mouvement collectif, les individus se transforment, et en même temps qu'ils changent, émerge un mouvement collectif. Il n'y a pas de sens à demander lequel précède l'autre : les deux présuppositions dépendent l'une de l'autre et sont crées en même temps. Il est vrai que les gens aujourd'hui ne croient plus à la possibilité d'une action de leur part sur le Politique. Ils ne croient pas parce qu'il ne veulent pas le croire, et ils ne veulent pas le croire parce que ils ne croient pas. Mais si jamais ils se mettent à le VOULOIR, ils CROIRONT et ils POURRONT.

A propos de l'engagement.
Refuser tout fatalisme.Toute vie permet à un moment donné de comprendre que les significations historiques du monde dans le quel nous évoluons, n'ont pas de source "absolue", que leur véritable source est notre propre activité créatrice de sens. Une seule exigence de lucidité : nous sommes mortels! La tâche d'un homme libre est donc de se savoir perdu dans ce monde à priori vide de sens mais de construire avec les autres quelque chose qui ait de la signification. Il n'y a pas de sens immanent dans l'histoire , il n'y aura que le sens (ou le non sens) que nous seons capable de de créer. Les gens qui se faisaient tuer sur une barricade ou dans un mouvement de résistance le savaient : “ c'est le fait que je me bats qui a un sens , non pas le fait que dans deux siècles ou plus il y aura une société parfaite ”.



Chaque fois que le sens d’un débat dépend de la valeur fondamentale du mot utile, c’est à dire chaque fois qu’une question essentielle touchant la vie des sociétés humaines est abordée, quelles que soient les personnes qui interviennent et quelles que soient les opinions représentées, il est possible d’affirmer que le débat est nécessairement faussé et que la question fondamentale est éludée. Il n’existe en effet aucun moyen correct, étant donné l’ensemble plus ou moins divergent des conceptions actuelles, qui permette de définir ce qui est utile aux hommes. Cette lacune est suffisamment marquée par le fait qu’il est constamment nécessaire de recourir de la façon la plus injustifiable à des principes que l’on cherche à situer au-delà de l’utile et du plaisir : l’honneur et le devoir sont hypocritement employés dans des combinaisons d’intérêt pécuniaire et, sans parler de Dieu, l’Esprit sert à masquer le désarroi intellectuel des quelques personnes qui refusent d’accepter un système fermé.”
(Georges Bataille, "La notion de dépense", in La Critique Sociale, Paris, Janvier 1933).



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