Qui se souvient ?
Georges Roulot
(André Lorulot, dit) (1885-1963)
Naissance à Paris, le
23 octobre 1885, dans une modeste famille ouvrière. Il commence à
travailler à 14 ans. En 1905, il fait la connaissance de Libertad et
participe avec lui à la création du journal L'Anarchie, périodique des anarchistes individualistes. Le
1er juin 1905, il est arrêté et fait huit jours de prison pour
avoir sifflé au passage du roi d'Espagne. Il est alors renvoyé de l'imprimerie
où il travaillait, mais trouve un poste de comptable. Réformé du service
militaire pour mauvaise santé, il fonde en 1906, avec Ernest Girault et
quelques autres, ainsi que sa compagne de l'époque Emilie Lamotte, une colonie
anarchiste communiste à Saint-Germain-en-Laye qui durera deux ans. Il
donne des conférences à travers la France et est plusieurs fois condamné pour
ses propos ou écrits. En 1907, sa brochure L'Idole
patrie et ses conséquences lui vaut quinze mois
de prison pour « provocation de militaires à la désobéissance ». Il
est libéré de Clairvaux quelques mois plus tard pour cause de maladie. A
la mort de Libertad, en 1908, il reprend la « direction » de L'Anarchie, tout en poursuivant ses
tournée de conférences. Lorulot laisse, en 1911, la direction du journal à
Rirette Maîtrejean, puis crée le 1er décembre la revue L'Idée libre. Ayant rompu avec le
milieu illégaliste, il ne sera pas inculpé lors du procès des survivants de la
bande à Bonnot en 1913. Mais en janvier 1915, il est arrêté pour une
affaire de fausse monnaie et d’injures et de diffamations envers l'armée,
obtenant finalement un non-lieu à la fin juillet 1915, assorti d'une
interdiction de séjour de quatre ans à Paris. Il s'installe alors à Lyon,
puis à Saint-Etienne, et reprend la publication de L'Idée libre en 1917. Dans les
années 1920, favorable à la révolution bolchevique, il s'écarte du
mouvement anarchiste et oriente son combat sur l'anticléricalisme avec la
publication de divers journaux : L’Antireligieux, L'Action antireligieuse (1925), La Libre pensée (1928), La Calotte (1930). En 1921, il adhère à la Fédération nationale de la
Libre Pensée, dont il devient l’un des orateurs les plus prisés. Dans les
années 1930, il participe à L’Encyclopédie
anarchiste de Sébastien Faure. Sous l'Occupation,
André Lorulot arrive encore à publier des brochures (en les antidatant, pour
échapper à la censure) et de journaux comme La
Vague. En 1945, il reprend au grand jour ses
activités antireligieuses, devient secrétaire général, puis au congrès de Lyon
en août 1958, président de la Fédération nationale des libres penseurs de
France. Il est également vice-président de l'Union mondiale des libres
penseurs. André Lorulot meurt le 11 mars 1963, à Herblay. Ses
obsèques eurent lieu au columbarium du Père-Lachaise en présence d'une foule
considérable de militants.
Errico Malatesta (1853-1932)
Naissance le 14 décembre
1853, près de Naples, dans une famille de la classe moyenne. Après le lycée, il
entame des études de médecine. En 1871, il adhère à l’Association
internationale des travailleurs (AIT) et, après sa rencontre avec Michel
Bakounine, adopte les positions antiautoritaires. Il prend part, avec d'autres
internationalistes, à plusieurs tentatives insurrectionnelles, en 1874 puis
en 1877 (bande du Matese), où ils proclament le communisme libertaire dans
divers villages. Arrêtés, ils seront finalement acquittés. En exil à Londres
en 1881, Malatesta prend part au congrès de l'AIT. En 1882, il est en
Egypte, où il lutte contre le colonialisme anglais. En 1885-1889, il
séjourne en Amérique latine, puis retourne en Europe. En 1892, il assiste
au congrès de Capolago, en Suisse. Ecrivain et orateur, Malatesta crée de
nombreux journaux : La Questione sociale en 1883, à Florence ;
L'Associazione, en 1889 ; Volontà en 1913 ; Umanità Nova en 1920, à
Milan ; Pensiero e Volontà, en 1924. Suite aux émeutes contre l'augmentation du pain à
Ancône (Italie) en 1898, il est arrêté et condamné à la relégation sur
l'île Lampedusa. Il s'évade, part aux Etats-Unis, puis séjourne à Londres.
En 1914, Malatesta participe à la « Semaine rouge » d’Ancône et
doit une nouvelle fois s'exiler. La même année, il s'oppose au « Manifeste
des Seize », impulsé par Kropotkine, prônant la défense des démocraties.
En 1919, Malatesta, de retour en Italie, est acclamé par la population et
participe à la création de l'Union anarchiste italienne. Il soutient les
occupations d'usine lors d'un meeting (14 octobre 1920) qui se termine en
affrontements avec la police. Il est arrêté et condamné, avec les autres
rédacteurs d'Umanità Nova. En prison, Malatesta fait une grève de la faim avec Armando
Borghi. Ils seront libérés le 30 juillet 1921. La revue qu’il anime, Pensiero e Volontà, est interdite par
les fascistes, comme tous les autres journaux anarchistes, en
novembre 1926 et Malatesta est condamné à vivre en résidence surveillée.
Le 22 juillet 1932, il meurt à Rome et seuls sa compagne Elena Melli,
sa fille Gemma et ses deux neveux peuvent accompagner au cimetière sa dépouille.
Rudolf Rocker
(1873-1958)
Naissance à Mayence (Allemagne)
le 25 mars 1873. Très jeune orphelin, il est élevé par un oncle
républicain et devient relieur. Il adhère aux Jeunesses du Parti
social-démocrate qui forment une opposition au sein du parti, puis découvre
l'anarchisme à la lecture de Freiheit (« Liberté ») de Johann Most. En août 1891, il
assiste au congrès socialiste de Bruxelles où il rencontre de jeunes
anarchistes allemands. De retour en Allemagne, il rejoint un groupe anarchiste
et se livre à une active propagande qui attire sur lui l'attention de la
police. Il gagne alors Paris en 1892 et rentre en contact avec des
anarchistes français, dont Jean Grave. Après les persécutions policières
de 1894, il part à Londres. Il se rapproche du milieu ouvrier juif
anarchiste de l’East End. Propagandiste très actif (par la parole et par
l'écrit), il apprend le yiddish et fait paraître à partir de 1898 le
journal en yiddish Arbeter Fraynt (« Le Travailleur libre »), puis Germinal (1900), avant de reprendre le
premier titre de 1903 à 1914. Il soutient de nombreuses grèves, dont
celle des tailleurs, en privilégiant la solidarité entre travailleurs de
différentes communautés. En 1907, à Amsterdam, Rocker est l’un des
secrétaires du Congrès anarchiste international. Lorsque la guerre éclate, les
autorités anglaises l’internent dans un camp. Expulsé d'Angleterre en
mars 1918, il séjourne à Amsterdam, avant de rejoindre Berlin. Pour
« incitation à la grève et atteinte à la sûreté de l'Etat », il est
de nouveau arrêté. Libéré, il se consacre à la reconstruction du mouvement
anarcho-syndicaliste allemand (FAUD) qui aboutit au niveau international, en
décembre 1922, à la renaissance à Berlin de l'Association internationale
des travailleurs. Il en sera d’ailleurs l’un des premiers secrétaires
internationaux. En 1933, fuyant les nazis, il rejoint les Etats-Unis où il
tentera en 1936 de mobiliser l'opinion en faveur de la révolution espagnole. En
1937, il s'installe avec sa compagne Milly dans la communauté anarchiste de Mohigan
(New York). Il publie alors l’un de ses principaux ouvrages, Nationalisme et Culture, récemment
traduit en français. Après-guerre, les autorités américaines tentent de
l'expulser, mais le retour en Allemagne lui est refusé. Il meurt aux Etats-Unis
en septembre 1958.
Louise Michel
(1830-1905)
Fille d’une servante et
certainement du fils des châtelains chez qui sa mère travaille, Louise Michel
naît au château de Vroncourt (Haute-Marne). Elle grandit auprès de sa mère,
choyée par « ses grands-parents », recevant une éducation libérale et
une bonne instruction. En 1852, elle obtient le diplôme nécessaire pour devenir
institutrice et ouvre une école libre. Après quelques années d’enseignement en
Haute-Marne, Louise Michel décide de s’installer à Paris où elle trouve un
emploi d’institutrice dans un pensionnat. En 1865, elle vend ses biens pour
acheter un externat dans le XVIIIe arr. Elle y enseigne, tout en ayant des
activités charitables. A partir de 1869, elle suit les cours d’instruction
populaire organisés par les républicains et c’est ainsi que débute son
engagement politique et militant. Dans Paris assiégé (septembre 1870), Louise
Michel fréquente le comité républicain de vigilance du XVIIIe arr. Elle
participe, jusqu’à la fin, à toutes les actions de la Commune. Incarcérée à
Versailles, elle se montre très digne et courageuse pendant son procès au cours
duquel elle est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée. Après
deux ans de prison et quatre mois de bateau, elle arrive sur les côtes de la Nouvelle-Calédonie
en décembre 1873. Louise Michel est émerveillée par la beauté de cette
terre d’exil et s’intéresse immédiatement à la culture et aux mœurs des
Canaques, les soutenant lors de leur révolte en 1878. Après cinq ans de
détention, elle peut s’installer à Nouméa où elle reprend ses activités
d’institutrice. En 1880, l’amnistie générale lui permet de rentrer en France.
Jusqu’à sa mort, Louise Michel sera, pendant vingt-cinq ans, une militante
infatigable. Elle parcourt la France, l’Angleterre, la Hollande et la Belgique
pour donner des milliers de conférences, entrecoupées de périodes
d’emprisonnement. En janvier 1888, au cours d’une réunion publique au
Havre, un homme tente de l’assassiner en tirant deux coups de revolver. Elle
est touchée à la tempe et les médecins ne pourront jamais retirer la balle qui
reste logée près de son cerveau. Louise Michel s’éteint le 9 janvier 1905
à Marseille lors d’une tournée de conférences. Son corps est ramené à Paris et,
le 22 janvier 1905, une foule immense suit son cercueil dans les rues de Paris
jusqu’au cimetière de Levallois.
Elisée Reclus
(1830-1905)
Naissance à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde). Son
père est pasteur protestant et sa mère institutrice. Etudes au collège des
frères moraves en Allemagne, puis il suit pendant un an les cours de la faculté
de théologie de Montauban. Suite au coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, il
rejoint Londres avec son frère Elie par crainte d’une arrestation. Vivant de
petits métiers ou comme précepteur, il s’embarque pour les Etats-Unis et visite
la Louisiane et la Colombie… avant de rejoindre son frère à Paris, après s’être
marié. La maison Hachette le charge de rédiger des guides pour les voyageurs ;
il parcourt ainsi l’Europe. En 1868, Elisée publie le premier tome de La Terre qui lui apportera succès et reconnaissance
par ses pairs. Participant à la Commune de Paris comme simple soldat, il est
capturé le 4 avril 1871, lors d’une sortie de son bataillon à Châtillon.
Prisonnier à Versailles, puis en rade de Brest, un conseil de guerre le
condamne à la déportation simple en Nouvelle-Calédonie. Grâce à une importante
mobilisation de savants, la peine sera commuée en bannissement. Elisée
s’installe alors avec sa famille en Suisse et adhère à la Fédération
jurassienne de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Après avoir
fait la connaissance de Kropotkine, il participe à la rédaction du Révolté, tout en s’attelant à son grand œuvre qui
l’occupera pendant près de vingt ans, La Nouvelle
Géographie universelle. Rentré en France, il effectuera de nombreux
voyages (Afrique du Nord, Etats-Unis, Canada, Europe du Sud…) pour mener à bien
cette publication. En 1894, malgré bien des résistances dues à son statut
d’ancien communard et d’anarchiste, il occupe la chaire de géographie comparée
de l’Université libre de Bruxelles et donne ses premiers cours. Le 18 mars
1898, il fonde l’Institut géographique. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1905, ce
« doux entêté de vertu » décède, suite à
une crise cardiaque, à Torhout (près de Bruges).
Pierre
Kropotkine (1842-1921)
Le 9 décembre 1842, naissance à
Moscou du prince Pierre Alexeiévitch Kropotkine. A 15 ans, et durant
cinq ans, il étudie à l’école des Pages. Il en sortira sergent et
deviendra le page personnel de l’empereur Alexandre II. Nommé officier,
Pierre Kropotkine choisit un régiment stationné en Sibérie. Sa première
expédition importante est la traversée de la Mandchourie. Ayant quitté l’armée,
il entre à l’université de Saint-Pétersbourg à l’automne 1867 pour étudier et
poursuivre ses recherches scientifiques sur la glaciation et la dessication
eurasienne. A la mort de son père, en 1872, il décide de se rendre à Zurich, où
il adhère à une section de l’Association internationale des travailleurs (AIT),
puis parcourt le Jura où l’activité libertaire est importante. De retour en
Russie, il devient un propagandiste infatigable et durant deux ans arpente les
quartiers populaires de Saint-Pétersbourg déguisé en paysan. Arrêté
en 1874, il est emprisonné à la forteresse Pierre et Paul. Avec l’aide de
sa sœur, il s’en évade et se réfugie en Angleterre. Le désir d’agir le pousse à
retourner en Suisse. Il s’installe dans le Jura et commence pour lui une
période d’activités intenses. A l’automne 1877, il participe au congrès de
Verviers qui sera le dernier congrès international de la tendance
bakouninienne. En 1879, il édite un journal pour la Fédération
jurassienne, Le Révolté,
qui prendra en 1887 le nom de La Révolte, puis s’intitulera Les Temps
nouveaux en 1895. En 1882, il se rend en France où il
est arrêtés avec soixante autres anarchistes et sera condamné à cinq ans
de prison. A sa libération, Kropotkine décide avec sa femme, Sophie Ananief, de
séjourner à Londres. Ils resteront trente ans en Angleterre où le
mouvement anarchiste anglais prend de l’ampleur. Le 14 mars 1916, paraît
un manifeste dit des Seize dont Kropotkine et Jean Grave sont les promoteurs.
Ce texte, qui sera condamné par l’ensemble du mouvement anarchiste, s’élève
contre les projets de paix et prône une attitude jusqu’au boutiste en faveur
des démocraties alliées. En mai 1917, Kropotkine revient en Russie où il
est chaleureusement accueilli. Il refuse de participer à un quelconque
gouvernement et ne cesse de dénoncer la dictature qui s’instaure. Il meurt à
Dmitrov le 8 février 1921 et son enterrement sera la dernière grande
manifestation des anarchistes en Russie.
Emma Goldman
(1869-1940)
Naissance le 27 juin 1869,
en Lituanie, dans une famille juive. A 13 ans, elle commence à travailler
comme couturière, jusqu’à l’automne 1885 où elle quitte la Russie pour
rejoindre une sœur qui avait précédemment émigré aux Etats-Unis. Elle se marie,
divorce un an après, rencontre un anarchiste juif russe qui lui fait connaître
l’anarchisme et la présente à Johann Most. En 1890, elle effectue sa
première tournée de propagande avec Alexandre Berkman, entre autres, qui
deviendra son amant. Emma Goldman est arrêtée à Philadelphie pour avoir
prononcé un discours à Union Square (New York) et, le 18 octobre
1893, condamnée à un an de prison pour incitation à l’émeute. Elle
profitera de cette incarcération pour entamer une formation d’infirmière. Le
17 août 1894, elle est libérée et reprend ses activités de propagandiste,
avant de se décider à poursuivre sa formation à Vienne où elle restera un an. En
novembre 1896, Emma retourne à New York et, au cours des années qui
suivent, alterne les conférences aux Etats-Unis et en Europe, assiste aux
congrès anarchistes, fait paraître la revue Mother
Earth (1906-1917), publie divers ouvrages et dirige
une maison d’édition. Femme libre, elle vit librement ses relations amoureuses
et lutte pour l’émancipation féminine. Sa propagande pour le contrôle des
naissances lui vaut un emprisonnement de quinze jours et sa participation en
1917 à la lutte contre la conscription la conduit au pénitencier de l’Etat du
Missouri, où elle est incarcérée de février 1918 à septembre 1919.
Le 21 décembre 1919, Emma Goldman et Berkman, extradés,
quittent les Etats-Unis à bord du Buford. Débarqués en Finlande, ils rejoignent ensuite Saint-Pétersbourg,
puis parcourent l’Ukraine et la Russie du sud. Ils ne tardent guère à perdre
leurs illusions sur la révolution bolchevique. En janvier 1922, ils gagnent
Stockholm et s’attellent à divers ouvrages pour dénoncer la trahison de la
révolution et les crimes des bolcheviks. Avant de se fixer définitivement en
France, la vie d’Emma Goldman sera faite d’errance (Berlin, Londres, le
Canada…). Pendant la révolution espagnole, elle se rendra à trois reprises en
Espagne et organisera à Londres des campagnes de soutien. Le 17 février
1940, une attaque d’apoplexie la terrasse et, le 14 mai, elle meurt d’une
congestion cérébrale à Toronto. Emma Goldman est enterrée au cimetière de
Waldhein, à Chicago, auprès des martyrs de Haymarket.
Nicolas Walter
(1934-2000)
Naissance à Londres, le
22 novembre 1934, dans une famille de tradition socialiste. Son grand-père
paternel, Karl Walter, fut ami avec Kropotkine et Malatesta, et l'un des
deux représentants anglais au Congrès anarchiste international d'Amsterdam
en 1907. Quant à l'autre, le journaliste S. K. Ratcliffe,
c'était l'une des principales figures de la libre-pensée en Angleterre. Il
milite tout d'abord au Parti ouvrier (Labour Party) et, pendant ses études à
Oxford (1954-1957), participe aux mouvements antimilitariste et libre-penseur.
En 1959, il découvre l'anarchisme en lisant une petite revue libertaire, The University Libertarian, auquel il
participera en tant que rédacteur. En 1960, il est l'un des fondateurs du
Comité des 100 (contre la bombe atomique) et, en 1963, un des huit
« espions pour la paix » (groupe qui mit au jour les préparatifs du
gouvernement en vue d'une guerre nucléaire). Nicolas Walter sera condamné à
deux mois de prison ferme pour avoir interrompu le premier ministre Harold
Wilson dans une église, afin de protester contre le soutien britannique aux
Américains lors de la guerre du Vietnam (1966-1967). Il participe à de nombreux
titres de la presse anarchiste (Freedom, entre autres) et, en se servant de multiples pseudonymes, assure
une présence libertaire dans la presse de gauche et généraliste anglaise.
En 1969, paraît la brochure About Anarchisme
(Pour l'anarchisme), une introduction à l'anarchisme
qu'il a écrite. Elle aura beaucoup de succès, sera traduite dans une vingtaine
de langues et régulièrement rééditée. Lui-même traduit et participe à l'édition
de nombreux ouvrages. En 1974, on lui diagnostique un cancer testiculaire
qui sera traité par radiothérapie, mais des opérations et des erreurs médicales
le condamnent finalement à la paralysie et, à partir de 1993, il ne peut
plus se déplacer qu'en fauteuil roulant. Nicolas Walter refusera de porter
plainte contre le service de santé national, estimant que « cela coûterait de l'argent dont d'autres ont plus besoin que lui ». Au
début de l'année 2000, il apprend que son cancer s'est généralisé et
décède le 7 mars à l'hôpital de Milton Keynes.
Pierre-Joseph
Proudhon (1809-1865)
Fils d’un tonnelier et d’une
cuisinière, il naît à Besançon le 15 janvier 1809. En 1820, une
bourse lui permet de faire des études au collège. A 17 ans, il devient
ouvrier typographe pour aider financièrement ses parents. En 1838,
l’Académie de Besançon lui attribue une bourse qui lui permet, à 29 ans,
de passer son baccalauréat et de poursuivre des études supérieures. Proudhon
fait paraître en 1839 De la célébration du
dimanche puis, l’année suivante, Qu’est-ce que la propriété ? Sa
fameuse formule « La propriété, c’est le
vol ! » le rend célèbre dans le monde entier
mais décide l’Académie à lui retirer sa bourse en raison des polémiques
suscitées. Il se prononce pour la propriété des moyens de production par les
travailleurs eux-mêmes et se pose ainsi comme père de l’autogestion ou, pour
employer sa terminologie dans Les Confessions
d’un révolutionnaire, de la gestion directe. La
situation matérielle de Proudhon est plus que précaire. Il devient fondé de
pouvoir d’une entreprise de péniches que viennent de créer à Lyon d’anciens
amis de collège. En 1847, il quitte son poste pour devenir journaliste.
Après bien des déboires, il réussit à fonder un quotidien, Le Peuple. Février 1848, la
République est proclamée. Aux élections de juin, Proudhon est élu député. Il
incarne l’extrême gauche de la révolution de février et critique violemment les
décrets du gouvernement provisoire. Lorsque Louis-Napoléon Bonaparte est élu
président de la République, en décembre, Proudhon se déchaîne. Ses articles
sont si violents et si insultants qu’il est condamné à trois ans de prison
dès mars 1849. Incarcéré, il écrit Les Confessions
d’un révolutionnaire et Idée
générale de la révolution, deux ouvrages dans lesquels
il développe ses positions antiétatistes et anticommunistes. Libéré en juin
1852, Proudhon est de nouveau condamné à trois ans de prison, dès la
parution, en 1858, De la justice dans la
Révolution et dans l’Eglise, ouvrage dans lequel il
résume l’ensemble de ses recherches à travers un combat général contre la
religion et, plus généralement, contre tout mysticisme. Il s’exile en Belgique
où il restera jusqu’en 1862. Proudhon, indéniablement le penseur français
le plus important du XIXe siècle et le seul théoricien socialiste à être
d’origine populaire, décède le 19 janvier 1865.
Michel Bakounine
(1814-1876)
Fils d'une famille noble, il fait ses études à
l'Ecole d'artillerie de Saint-Pétersbourg (1828-1833), puis sert dans l’armée.
Après avoir démissionné, il entreprend des études philosophiques, quitte la
Russie et suit des cours à Berlin et à Dresde. Il séjourne ensuite à Paris où
il rencontre Marx et Proudhon. En 1844, sommé de rentrer en Russie par le tsar,
il refuse et se retrouve déchu de son grade et de son titre. Expulsé de Paris,
Bakounine y revient pour assister à la révolution de février 1848. Puis il
participe à l’insurrection de Dresde, est arrêté, remis aux autorités russes
qui l’emprisonnent à la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg. Sa
détention ayant finalement été commuée en déportation, il épouse Antonina
Kwiatkowska et rejoint la Sibérie, avant de s’en évader en juin 1861 et de
regagner l’Europe. Bakounine reprend alors ses activités de révolutionnaire et
séjourne à Londres, en Italie et en Suisse. En juillet 1868, il adhère à la
section centrale de Genève de la Première Internationale et fonde en octobre
son Alliance de la démocratie socialiste. En septembre 1869, il participe
activement au congrès de Bâle et réussit à faire adopter ses thèses sur
plusieurs points importants. Dès lors, ses relations avec Marx et ses partisans
deviennent ouvertement conflictuelles. Au lendemain de la proclamation de la
République à Paris, appelé par les Internationaux locaux, Bakounine arrive à
Lyon le 15 septembre 1870 et pousse ses habitants à préparer activement une
insurrection populaire. Celle-ci échoue, fuyant la répression, il quitte Lyon à
destination de Marseille, puis regagne la Suisse. C’est au cours de cette
époque (1871-1873) que Bakounine livre ses principales contributions théoriques
qui font de lui un des théoriciens du collectivisme anti-étatique. Exclu de
l'Internationale au congrès de La Haye (qui voit aussi l'éclatement
définitif de l'AIT), Bakounine, vieux et fatigué, s'installe à Locarno. Une
dernière fois, il participe à une tentative d’insurrection à Bologne avec ses
amis italiens. Malade et amer, il revient en Suisse pour s’éteindre à Berne.
Félix
Fénéon (1861-1944)
Naissance à Turin (Piémont, Italie) le 29 juin 1861. Interne au lycée Lamartine, à Mâcon, il y passe son baccalauréat. Après avoir effectué son service militaire, il gagne en mars 1881 la capitale et travaille comme rédacteur au ministère de la Guerre. En 1886, Fénéon s'occupe de la critique d'art dans la revue symboliste La Vogue qui vient d'être créée. C'est dans cette publication que paraissent ses premiers articles sur les impressionnistes et les néo-impressionnistes car, comme l'a signalé Jean Paulhan, Félix Fénéon est avant tout un des plus grands critiques d'art. A la même époque, il s'engage dans le mouvement anarchiste et collabore à de nombreux journaux tels L'Endehors, La Renaissance, La Revue anarchiste ou Le Père Peinard… On l'a accusé d'avoir été l'auteur de l'attentat – qui coûta un œil à son ami Laurent Tailhade – contre le restaurant Foyot, le 4 avril 1894. Une perquisition à son bureau au ministère permet de découvrir du matériel qui, selon l'accusation, aurait pu servir à fabriquer une bombe. Au « Procès des trente » en août 1894, plusieurs anarchistes en vue (Jean Grave, Sébastien Faure, Charles Chatel, Matha…) sont inculpés d'« association de malfaiteurs » à la suite de la vague d'attentats. Félix Fénéon se retrouve lui aussi sur le banc des accusés et de nombreux artistes et écrivains prendront sa défense, tandis qu'il se paie le luxe de ridiculiser les magistrats. Tous seront acquittés, à l'exception de trois cambrioleurs dont l'illégaliste anarchiste Ortiz. En janvier 1895, ayant perdu son emploi, il devient une sorte de rédacteur en chef de La Revue blanche. C'est de ce poste qu'il participera au combat pour la libération de Dreyfus. Deux ans plus tard, il épouse Stéphanie Goubaux (qu'on appelle plutôt Fanny), une amie de la famille divorcée. Sa maîtresse de longue date, Camille Platteel, quitte Bruxelles pour Montmartre afin de se rapprocher de lui. Il se partagera entre ces deux femmes qui, chacune, connaissaient l'existence de l'autre. En 1906, il entre au Matin où on lui confie les « nouvelles en trois lignes », rubrique de faits divers qu'il transforme en perles littéraires grâce à son humour. Au début de l'année suivante, il entre comme employé à la galerie Bernheim-Jeune, puis en devient le directeur artistique. Après la Première Guerre mondiale, et avec la Révolution russe de 1917, il semble se rapprocher dans l'amitié de Paul Signac d'une sensibilité communiste. En 1942, les Fénéon s'installent dans une maison de retraite à Châtenay-Malabry où s'y éteint Félix le 29 février 1944. En 1945, la direction des musées de France refuse de recevoir en legs sa riche collection de tableaux et d'objets d'art africain ; Fanny décide alors de leur mise en vente après sa propre mort, le profit retiré servirait à aider de jeunes écrivains et artistes. Ainsi en sera-t-il fait en mars 1948, à la Sorbonne, avec la création du prix et des bourses Félix Fénéon, attribués annuellement au lendemain de l'anniversaire de sa mort.
Renée
Lamberet (1901-1980)
Elle naît le 4 octobre 1901, à Paris, dans un famille de libres penseurs, et devient professeur agrégé d'histoire et de géographie. En 1936, lorsque la révolution éclate en Espagne, elle s'y rend et s'intéresse particulièrement aux collectivisations réalisées par la Confédération nationale du travail (CNT), collabore à la propagande libertaire et participe à l'aide aux enfants réfugiés des zones de guerre. C'est à Barcelone, où elle séjourne avec sa sœur Madeleine, qu'elle rencontre celui qui devient son compagnon, Bernardo Pou-Riera, alors responsable de la propagnande de la CNT. Elle apporte ensuite son aide aux militants espagnols en exil en France et, durant l'Occupation, participe à la réorganisation de la Fédération anarchiste française dans la clandestinité. Après la Libération, elle préside la Commission d'aide aux antifascistes bulgares – victimes cette fois de la répression stalinienne – et prend part en 1949 à la création de l'Institut français d'histoire sociale (IFHS). De 1953 à 1954, elle est secrétaire de l'Association internationale du travail (AIT), puis se consacre à divers travaux historiques sur le mouvement social et libertaire. Renée Lamberet meurt le 12 mars 1980 à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), n'ayant pas eu le temps d'achever un dictionnaire biographique anarchiste.
May
Picqueray (1898-1983)
Elle naît le 8 juillet 1898, à Savenay (Loire-Atlantique). Sa mère est couturière en chambre et son père convoyeur postal. May Picqueray obtient son certificat d’études brillamment à 10 ans et demi, grâce à une dispense. Elle est placée à 11 ans chez un négociant pour faire des livraisons à domicile. Une famille d’instituteurs, afin de la soustraire à cette vie, la prend alors à son service pour qu’elle s’occupe de leur fils épileptique. Grâce à eux, elle poursuit une scolarité normale et passe le baccalauréat au lycée de Montréal. En 1915, elle revient en France et trouve un emploi de dactylo bilingue au camp de Montoir. Puis, elle gagne Paris où elle rencontre Sébastien Faure qui l’« éveille » aux idées anarchistes. Anarcho-syndicaliste, elle est employée en tant que dactylo d’avril 1922 à janvier 1923 à la Fédération des métaux de la CGTU, syndicat nouvellement constitué. Sa bonne connaissance de la langue anglaise lui permet d’être désignée pour accompagner Lucien Chevalier, l’un des trois secrétaires fédéraux, mandaté pour assister au deuxième congrès de l’Internationale syndicale rouge qui se tient à Moscou en novembre 1922. Avertis du sort d’anarchistes russes incarcérés, ils interviennent auprès de Trotski et obtiennent leur libération. Pendant la Seconde Guerre mondiale, May aide et secourt ses nombreux amis réfugiés qui sont menacés. Elle travaille pour une organisation de quakers américains qui la charge de s’occuper du ravitaillement du camp de Noë, puis du camp du Vernet. Ce qui lui permet de faire libérer, entre autres, Nicolas Lazarevitch. Remontée à Paris, May Picqueray devint faussaire et fabrique des papiers de toutes sortes dans les bureaux même de la censure allemande. Après guerre, elle entre au syndicat des correcteurs et travaille notamment au premier journal Libération et au Canard enchaîné. Pendant des années, elle luttera au côté de son vieil ami Louis Lecoin qui, en 1958, en pleine guerre d’Algérie, lance une campagne pour l’obtention du statut d’objecteur de conscience et un journal, Liberté. Après son décès, elle fonde en avril 1974 Le Réfractaire, journal antimilitariste et pacifiste. Elle l’animera pendant neuf ans, jusqu’à sa mort survenue le 3 novembre 1983.
Camillo
Berneri (1897-1937)
Le 20 mai 1897, naissance de Camillo Berneri à Lodi (Italie). Il milite d'abord aux jeunesses socialistes, puis adhère au mouvement anarchiste. Il est mobilisé en 1917. La guerre terminée, il devient professeur de philosophie et collabore au quotidien anarchiste Umanita Nova et à Pensiero e Volontà. Lorsque le fascisme s'installe en Italie, refusant de jurer fidélité au régime mussolinien, il est contraint à l'exil. En 1926, il arrive en France, est arrêté, puis expulsé. Il le sera aussi de Suisse, d'Allemagne, de Belgique, du Luxembourg et de Hollande. Exil et difficultés également pour sa compagne, elle-même militante, Giovanna, et ses deux filles (Giliana et Maria Luisa). A l'annonce de la révolution en Espagne, Camillo part pour Barcelone où il organise la première colonne de volontaires italiens. Le 28 août 1936, il prend part aux combats de Monte Pelado et, le 3 septembre 1936, à ceux de Huesca. A Barcelone, il participe aux émissions de la radio de la CNT-FAI et fonde la revue Guerra di Classe, dans laquelle il se montre très critique sur l'évolution de la révolution, la participation des anarchistes au gouvernement et la part belle laissée aux communistes. Durant les journées sanglantes de Barcelone, le 5 mai 1937, Camillo Berneri et Francesco Barbieri sont arrêtés à leur domicile, sous l'inculpation d'être « contre-révolutionnaires », par la police aux ordres des communistes. Ils seront retrouvés morts le lendemain, leurs corps criblés de balles.
(Avec l'aimable autorisation des Camarades de l'Ephéméride Anarchiste)