La société malade de sa raison
« Tout
le monde est d'une certaine manière occupé et employé comme travailleur à
domicile. Un travailleur à domicile d'un genre pourtant très particulier. Car
c'est en consommant la marchandise de masse, qu'il accomplit sa tâche, qui
consiste à se transformer lui-même en homme de masse (…) Le processus tourne
même résolument au paradoxe puisque le travailleur à domicile, au lieu d'être
rémunéré pour sa collaboration, doit au contraire lui-même la payer,
c'est-à-dire payer les moyens de production dont l'usage fait de lui un homme
de masse. Il paie donc pour se vendre. Sa propre servitude, celle-là même qu'il
contribue à produire, il doit l'acquérir en l'achetant puisqu'elle est, elle
aussi, devenue une marchandise. Le monde comme fantôme et comme matrice »
(Anders (G), L’Obsolescence
de l’homme (Vol 1 - 1956) Paris,
Encyclopédie de nuisances, 2002, p. 50
« Le
malheur est que dans l’état présent de la pensée, tout le monde se laisse
encore duper par (…) l’apparence systématique, l’architecture et le style
communs de diverses constructions de l’intelligence, appliqués à la
philosophie. Comparer ce type de productions consiste alors à ce que personne
ne se préoccupe des conséquences réelles, mais seulement de la conformité
apparente à des préceptes formels de l’intelligence sans objet. Il faudrait
accorder d’abord que l’emploi méthodique des divers outillages logique suffit à
repérer la présence de la philosophie essentielle ».
(Nizan (P), Les
chiens de garde, Paris, Maspéro, 1965, p 16)
1
Toute la vie des sociétés dans
lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une
immense accumulation de corona virus. Tout ce qui était directement vécu
s'est éloigné dans une distanciation sociale, synonyme de mort sociétale.
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Les épidémies qui se sont
détachées de chaque aspect de la vie naturelle - puis peu à peu autonomisées - fusionnent
maintenant dans un cours commun, où l'unité de cette vie semble ne plus pouvoir
être rétablie. La réalité considérée partiellement, se déploie dans sa propre
unité générale en tant que pseudo monde à part, objet de la seule compassion
médiatisée. La spécialisation des épidémies du monde se retrouve, accomplie,
dans le monde de l'épidémie autonomisée, où le mensonger s'est menti à lui-même.
Le corona virus en général, comme inversion concrète de la vie, est le
mouvement autonome du non vivant.
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Le corona virus se
représente à la fois comme le mal rationnellement construit par la société, dans la société et
pour une partie de la société. Il est l’instrument de la sélection post
darwinienne qui ne veut pas dire son nom. En tant que touchant une partie de la
société, il est expressément le secteur qui concentre toute la classe dominée.
Du fait même que ce secteur est massivement infect, il est le lieu du regard désabusé
et de la fausse conscience. Et la pseudo unification médiatique qu'il accomplit
n'est rien d'autre que le langage officiel de la ségrégation généralisée de classe.
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Le corona virus n'est pas
une pandémie, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par une épidémie.
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Le corona virus ne peut
être seulement compris comme l'abus d'un mode de vie, le produit des techniques
associées d’extraction – production - consommation massive des ressources
naturelles. Il est bien plutôt une Weltanschauung devenue effective,
matériellement traduite. C'est une causalité linéaire du capital rationalisé,
qui s'est objectivée.
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Le corona virus compris
dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de production
existant. Il n'est pas un accident du monde réel, sa sortie de route
inopinée... Il est le coeur de l'irréalisme de la société réelle. Sous
toute ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou
consommation indirecte de spectacles, le corona virus constitue le
modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l'affirmation
omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation
corollaire. Forme et contenu du corona virus sont identiquement la
justification totale des conditions et des fins du système existant. Le corona
virus est aussi la présence permanente morbide de cette justification.
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La pratique sociale a laquelle le
corona virus autonome s’attaque est aussi la totalité réelle qui
contient le corona virus. Mais la scission dans cette totalité la mutile
à un point tel, qu’elle de fait
apparaître le corona virus comme son but. Face au corona virus, le
langage scientifique et médical marchand - constitué par les signes de la
production régnante – devient la finalité dernière d’une production à visée
réellement thérapeutique.
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On ne peut opposer abstraitement
le corona virus et l'activité sociale effective ; ce dédoublement est
lui-même dédoublé. Le corona virus qui inverse le réel est effectivement
produit. En même temps la réalité vécue est matériellement envahie par la diffusion
du corona virus. La réalité objective est présente des deux côtés.
Chaque notion ainsi fixée n'a pour fond que son passage dans l'opposé : la
réalité surgit dans le corona virus, et le corona virus est réel.
Cette aliénation réciproque est l'essence et le soutien de la société privée de
valeur ontologique.
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Considéré selon ses propres
termes, le corona virus est l'affirmation de l'apparence et
l'affirmation de toute vie humaine, c'est-à-dire sociale, comme simple
apparence. Mais la critique qui atteint la vérité du corona virus le
découvre comme la négation visible de la vie ; comme une négation de la vie qui
est devenue visible. Le corona virus n'est
rien d'autre que le sens de la pratique totale d'une formation économico-sociale,
son emploi du temps. C'est le moment historique qui nous contient.
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Le caractère fondamentalement
tautologique du corona virus découle du simple fait que ses moyens sont
en même temps son but. Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l'empire de
la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne
indéfiniment dans sa propre gloire morbide et mortifère.
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Dans le corona virus,
épidémie de l'économie régnante, le but n'est rien, le développement est tout.
Le corona virus ne veut en venir à rien d'autre qu'à lui-même. Rétablir
la question humaine de la valeur contre la question fétichiste de la valeur de
l’argent
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En tant que miroir de la vacuité des
objets produits maintenant, en tant qu'exposé général de la rationalité devenue
folle et en tant que secteur économique totalitaire et unifié, qui produit en
chaîne, une multitude croissante d'épidémies, le corona virus est la
principale production de la société actuelle. Le corona virus soumet
radicalement les hommes vivants dans la mesure où l'économie les a totalement
soumis. Il n'est rien que l'économie se développant pour elle-même. Le corona
virus est le reflet fidèle de la production automate des choses, et
l'objectivation du mensonge des hommes sur eux mêmes.
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Le corona virus est
l'héritier de toute la faiblesse du projet philosophique occidental, qui fut
une compréhension de l'activité, dominé par la catégorie faussée de la valeur.
Aussi bien qu'elle se fonde sur l'incessant déploiement de la rationalité
technique et instrumentale au profit et de la plus value financière, aussi bien
elle contribue à la réification
définitive de la conscience critique, réflexive et pratique. Le corona virus
ne réalise pas la philosophie, il philosophie la réalité. C'est la vie concrète
de tous qui s'est dégradée en univers spéculatif et métaphysique.
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La philosophie, en tant que
pouvoir de la pensée séparée, et pensée du pouvoir séparé, n'a jamais pu par
elle-même dépasser la théologie. Le corona virus est la reconstruction
matérielle de l'illusion religieuse. La peur existentielle de la mort a
réanimé les nuages religieux où les hommes avaient placé leurs propres pouvoirs
détachés d'eux. Ainsi c'est la vie la plus terrestre qui devient opaque, irrespirable
et angoissante. Elle ne rejette plus dans le ciel, mais elle héberge chez elle
sa récusation absolue, son fallacieux paradis. Le corona virus est la
réalisation technique de l'exil des pouvoirs humains dans un au-delà ; la
scission achevée à l'intérieur de l'homme.