Au-delà de sa contribution au savoir (théorique
et médical) sur l’être humain, S. Freud a pris des positions politiques très affirmées lors
des deux derniers conflits mondiaux, que ce soit seul ou dans des textes à 4 mains avec Romain Rolland ou Albert
Einstein. Aujourd’hui dans les circonstances d'une pandémie mondiale qui nous
assigne à éprouver en chair et en acte les limites de ce que nous
pensions comme le stade suprême de la liberté de mouvement et de
conscience, l'héritage se réclamant d'un tel auteur - si exigent sur le plan épistémologique - nous
invite
à reprendre un certains nombre
de concepts (qui avant de devenir des poncifs de la psychosociologie
instrumentalisée) on
eu le mérite d'être construits dans un modèle théorique,
dont la visée était
avant tout
(et le reste aujourd'hui) celle dévoilement de
processus aveugles au sujets qui composent un corps social.
Le premier de ces concepts est celui du
déni : «
déni
incontestable
» de la réalité de la
part des responsables politiques, quelle que soit leur obédience politique
à l’échelle du globe.
Le virus n’est pas responsable. Il a contaminé la planète sans états
d’âme et sans faire de distinction. L’Homme d’Etat lui a laissé la place libre : il était prévenu du danger, il n’a
pourtant rien prévu. C’est
une vraie tâche aveugle au sens freudien du terme, qui cache le désir
inconscient. De multiples alertes avaient annoncé la pandémie : la contagion
d’Ebola, puis de ESB, du SRAS, des grippes aviaires et porcines. Elle a servi
de scénario à des films, des livres de science-fiction. Des centaines
d’articles scientifiques l’avaient prévu. Ce déni qui procède de l’inconscient
cache bien à propos
un désir de faire souffrir,
de marquer la distance entre le citoyen et l’Homme d’Etat. La question se pose et la réponse se lit à la lueur du résultat : c’est une inadaptation de
plus en plus grande du système de santé. Les personnels soignants ont exprimé
avec force leur souffrance au travail, mais en vain. Depuis plus d’une décennie
l’organisation des soins a pâti d’une baisse importante du nombre de lits et du
personnel médical. Cette politique était-elle nécessaire pour faire des
économies ? Cette excuse ne tient pas, car l’argent nécessaire a toujours été disponible. Et
aujourd’hui la
Banque Centrale Européenne comme
la FED aux Etats-Unis, le
distribuent sans hésiter pour aider les grands
groupes. La préservation de la vie : la santé, l’éducation, la durée du temps
de travail sont comptabilisés comme s’il s’agissait de dépenses. En même temps
le vivant est rentabilisé avec les brevets, les médicaments, le secteur privé.
Cette financiarisation de la vie est prétexte à un sadisme inconscient. Tout se passe donc
comme si ce déni inconscient avait comme objectif le désir de faire souffrir.
Le second concept freudien à mobiliser
est celui de l'acte
manqué. A travers son double langage, celui électoraliste des promesses
par les mots (qui selon l'adage n'engagent que ceux que celles/ceux qui y croient) contredit au quotidien par des choix politique et stratégiques en actes (au
service d'un processus aveugle), l'homme politique post-keynesien - ne
pouvant avouer sa totale impuissance -
en est rendu à ce stade itératif de l'acte manqué. Aujourd’hui, l’Homme d’Etat
- prétendument démocrate
et civilisé - donne l’impression d’ajouter à la violence première du déni, le plaisir de l'acte manqué dans la compassion simulée
à l’égard de ses victimes, alors qu’il les a sciemment surexposées au danger. Comble de l'acte
manqué, il
jouit de compatir avec eux sans changer de politique. Dès lors la vision de l’histoire selon laquelle le libéralisme
cherche le profit sans tenir compte de ceux qui le produisent – voir au détriment de leur épanouissement donc indirectement par
leur souffrance - est partagée bien au-delà des marxistes. Elle n’est pas
contradictoire avec un point de vue psychanalytique qui considère le sadisme comme le motif inconscient de bien des
événements historiques.
Cette interprétation
psychanalytique du politique avait déjà été envisagée dès les années 1930 par Adorno et Horkheimer et Marcuse. Ce sont bien les
travaux critiques de l’Ecole de Francfort qui trouvent peut-être leur
démonstration
la plus évidente aujourd’hui, dans la dimension de l’inconscient politique à l’œuvre
dans la crise du Covid 19.