samedi 16 mai 2020

De l’inconscient politique : assumer l'héritage pour discerner ...



Au-delà de sa contribution au savoir (théorique et médical) sur l’être humain, S. Freud a pris des positions politiques très affirmées lors des deux derniers conflits  mondiaux, que ce soit seul ou dans des textes à 4 mains avec Romain Rolland ou  Albert Einstein. Aujourd’hui dans les circonstances d'une pandémie mondiale qui nous assigne à éprouver en chair et en acte  les limites de ce que nous pensions comme le stade suprême de  la liberté de mouvement et de conscience, l'héritage se réclamant d'un tel auteur - si exigent sur le plan épistémologique - nous invite  à reprendre un certains nombre de concepts (qui avant de devenir des poncifs de la psychosociologie instrumentalisée) on eu le mérite d'être construits dans un modèle théorique, dont la visée était avant tout (et le reste aujourd'hui) celle dévoilement de processus aveugles au sujets qui composent un corps social.



Le premier de ces concepts est celui du déni : « déni incontestable » de la réalité de la part des responsables politiques, quelle que soit leur obédience politique à l’échelle du globe. Le virus n’est pas responsable.  Il a contaminé la planète sans états d’âme et sans faire de distinction. L’Homme d’Etat lui a laissé la place libre : il était prévenu du danger, il n’a pourtant rien prévu. C’est une vraie tâche aveugle au sens freudien du terme, qui cache le désir inconscient. De multiples alertes avaient annoncé la pandémie : la contagion d’Ebola, puis de ESB, du SRAS, des grippes aviaires et porcines. Elle a servi de scénario à des films, des livres de science-fiction. Des centaines d’articles scientifiques l’avaient prévu. Ce déni qui procède de l’inconscient cache bien à propos un désir de faire souffrir, de marquer la distance entre le citoyen et l’Homme d’Etat. La question se pose et la réponse se lit à la lueur du résultat : c’est une inadaptation de plus en plus grande du système de santé. Les personnels soignants ont exprimé avec force leur souffrance au travail, mais en vain. Depuis plus d’une décennie l’organisation des soins a pâti d’une baisse importante du nombre de lits et du personnel médical. Cette politique était-elle nécessaire pour faire des économies ? Cette excuse ne tient pas, car l’argent nécessaire a toujours été disponible. Et aujourd’hui la Banque Centrale Européenne comme la FED aux Etats-Unis, le distribuent sans hésiter pour aider les grands groupes. La préservation de la vie : la santé, l’éducation, la durée du temps de travail sont comptabilisés comme s’il s’agissait de dépenses. En même temps le vivant est rentabilisé avec les brevets, les médicaments, le secteur privé. Cette financiarisation de la vie est prétexte à un sadisme inconscient. Tout se passe donc comme si ce déni inconscient avait comme objectif le désir de faire souffrir.



Le second concept freudien à mobiliser est celui de l'acte manqué.  A travers son double langage, celui électoraliste des promesses par les mots  (qui selon l'adage  n'engagent que ceux que celles/ceux qui y croient) contredit au quotidien  par des choix politique et stratégiques en actes (au service d'un processus aveugle), l'homme politique post-keynesien - ne pouvant avouer sa totale impuissance - en est rendu à ce stade itératif de l'acte manqué. Aujourd’hui, l’Homme d’Etat - prétendument démocrate et civilisé - donne l’impression d’ajouter à  la violence première du déni, le plaisir de l'acte manqué dans la compassion simulée à l’égard de ses victimes, alors qu’il les a sciemment surexposées au danger. Comble de l'acte manqué,  il jouit de compatir avec eux sans changer de politique. Dès lors la vision de l’histoire selon laquelle le libéralisme cherche le profit sans tenir compte de ceux qui le produisent – voir au détriment de  leur épanouissement donc indirectement par leur souffrance  -  est partagée bien au-delà des marxistes. Elle n’est pas contradictoire avec un point de vue psychanalytique qui considère le sadisme comme le motif inconscient de bien des événements historiques. Cette interprétation psychanalytique du politique avait déjà été envisagée dès les années 1930 par Adorno et Horkheimer et Marcuse. Ce sont bien les travaux critiques de l’Ecole de Francfort qui trouvent peut-être leur démonstration la plus évidente aujourd’hui, dans la dimension de l’inconscient politique à l’œuvre dans la crise du Covid 19.



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