vendredi 9 septembre 2016

Il aurait eu 100 ans...

la belle affaire...
Ses textes auront toujours 10 000 ans...

" Avec nos avions qui dament le pion au soleil, avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions. Le seul droit qui reste à la poésie est de faire parler les pierres, frémir les drapeaux malades, s'accoupler les pensées secrètes.
Nous vivons une époque épique qui a commencé avec la machine à vapeur et qui se termine par la désintégration de l'atome. L'énergie enfermée dans la formule relativiste nous donnera demain la salle de bains portative et une monnaie à piles qui reléguera l'or dans la mémoire des westerns... La poésie devra-t-elle s'alimenter aux accumulateurs nucléaires et mettre l'âme humaine et son désarroi dans un herbier?
Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique. A New York le dentifrice chlorophylle fait un paté de néon dans la forêt des gratte-ciel. On vend la musique comme on vend le savon à barbe. Le progrès, c'est la culture en pilules. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt: les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir?
Dans notre siècle il faut être médiocre, c'est la seule chance qu'on ait de ne point gêner autrui. L'artiste est à descendre, sans délai, comme un oiseau perdu le premier jour de la chasse. Il n'y a plus de chasse gardée, tous les jours sont bons. Aucune complaisance, la société se défend. Il faut s'appeler Claudel ou Jean de Létraz, il faut être incompréhensible ou vulgaire, lyrique ou populaire, il n'y a pas de milieu, il n'y a que des variantes. Dès qu'une idée saine voit le jour, elle est aussitôt happée et mise en compote, et son auteur est traité d'anarchiste..."
(Léo Ferré - Préface)

" Quand j'emprunte des paradoxes, je les rends avec intérêts.
J'enrichis mes prêteurs qui deviennent alors plus intelligents.
Le taux usuraire de l'astuce n'est jamais assez élevé.
Je ne sais pas d'où je viens mais je sais que je suis là, à reverdir, dans cette campagne toscane.
Les rossignols teints au Gargyl chantaient des aubades pharmaceutiques.
J'ai les cheveux trop longs... comme des voiles de thonier, mes beaux cheveux qu'on m'a toujours taillés, mes beaux cheveux longs dans ma tête.
Dans la rue, on se retourne...
Moi, je leur tire la langue ! "
(Léo Ferré - Et...Basta !)


"Des armes , des chouettes, des brillantes
Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir
Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir
L'autre, celui qui fait rêver les communiantes

Des armes bleues comme la terre
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère

Des armes au secret des jours
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
Et qui mettent la poésie dans les discours

Des armes, des armes, des armes
Et des poètes de service à la gâchette
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
Au bout d'un vers français brillant comme une larme/"
(Léo Ferré -Des armes)

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