dimanche 31 janvier 2016

Quelques banalités de base-1

"Une des difficultés de la lutte politique aujourd'hui, c'est que les dominants, technocrates ou épistémocrates de droite ou de gauche, ont partie liée avec la raison et l'universel : on se dirige vers des univers dans lesquels il faudra de plus en plus de justifications techniques, rationnelles pour dominer et dans lesquels, les dominés, eux aussi ,pourront et devront de plus en plus se servir de la raison pour se défendre contre la domination, puisque les dominants devront de plus en plus invoquer la raison, et la science, pour exercer leur domination. Ce qui fait que les progrès de la raison iront sans doute de pair avec le développement de formes hautement rationalisées de domination (comme on voit, dès aujourd'hui, avec l'usage qui est fait d'une technique comme le sondage, et que la sociologie, seule en mesure de porter au jour ces mécanismes, devra plus que jamais choisir entre le parti de mettre ses instruments rationnels de connaissance au service d’une domination toujours plus rationnelle ou d’analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance peut apporter à la domination."


Pierre Bourdieu, in Intérêt et désintéressement, cours du Collège de France à la Faculté d'Anthropologie et de Sociologie de l'Université Lumière Lyon 2, les 1er et 8 décembre 1988 in Cahiers de Recherche n° 7, nouvelle publication 1er trimestre 1993, 

dimanche 10 janvier 2016

Dans l'Hiver prolongé du Capital...



"La meute de loups : les trois premiers loups sont les loups les plus faibles ou malades. Ils imposent le rythme à toute la meute. Si c'était inversé, ils resteraient dans leur coin, seraient derrière, à la traîne et mourraient donc en cas d'embuscade, car ils seraient les premiers sacrifiés.
Suivent ensuite cinq mâles jeunes - au meilleur de leurs capacités - formant l'avant-garde. En plein milieu, ce sont les loups les plus forts. Au milieu, la meute. Cinq autres encore,plus âgés forment l'arrière-garde.
Le dernier, presque isolé de la meute, c'est le chef. Il guide, oriente, a besoin de voir toute la meute, pour contrôler, agir, alerter, si nécessaire."

Bronisław Kasper Malinowski (1884-1942), ethnologue de formation, qui fut l'un des fondateurs de l'anthropologie moderne, a très savamment analysé les règles du "socius" chez les loups.
Dans son ouvrage "Crime et coutume dans la Société Primitive", (1926), il osa même une inversion audacieuse de la fameuse maxime de Thomas Hobbes (1588-1679) : 

"Si l'Homme est un Loup pour l'Homme, alors le Loup est un Homme pour le Loup".
 
A méditer...


samedi 2 janvier 2016

Création, émancipation et déshéritage

La question de l’Héritage - question nodale tant chez Karl Marx que chez Sigmund Freud  dans le domaine des contingences matérielles et/ou du devenir psychique dans la filiation - est finalement ce qui nous structure toutes et tous, autant que ce qui forme le coeur de nos névroses quotidiennes.

Pierre Bourdieu l’avait très bien analysé. Autant dans les déterministes sociaux qui nous objectivent en partie dans "l'avant" et "l'après" de nos existences, mais aussi sur la place des héritages symboliques indirects - qui "pendant" - donnent sens aux formes de communication auxquelles nous croyons, pour essayer de décrypter le Monde. 

C’est  la même question qui se pose dans l’histoire des disciplines scientifiques : pour exemple entre autres,  la place paradoxale d’auteurs comme Karl Kraus, Walter Benjamin, Antonio Gramsci, Ivan Illich, Ludwig Wittgenstein, ou plus récemment en France des philosophes-romanciers comme Jacques Bouveresse, Michel Henry ou Henry Bauchau.
Difficile question donc que de se réclamer d'un héritage, quand bien même il ne serait que conceptuel. La culture est ainsi bicéphale, aimant se réclamer :
- à la fois  d'une longue tradition, fondant l'historicité et s'appuyant sur l'académisme  ;
- à la fois de saillies hors académisme, bouleversant codes et formes et fondant ce que nous appelons dès lors, une avant-garde.
De ce point de vue la culture reste l'ensemble des entreprises et des pratiques, dans lesquelles s'exprime la surabondance de la vie. Toutes ont pour motivation la « charge », le « trop » qui dispose intérieurement la subjectivité vivante comme une force prête à se prodiguer et contrainte, sous la charge, de le faire.
 
Ce n'est donc pas l'auto réalisation de soi que l'existence hyper médiatisée de ce XXI siècle propose à la vie, c'est la fuite. L'occasion pour tous celles et ceux que leur paresse - refoulant leur énergie - rend à jamais mécontents d'eux-mêmes - d'oublier ce mécontentement.

Définitivement, de l'autre côté des terres et des phrases, il nous faut prendre la route du mécontentement, pour explorer les marges. Rien qu'un geste !


 

Point de vue de l’Aranea

    Ils avaient cherché refuge dans ces pierres ancestrales, accumulées les unes sur les autres depuis longtemps, et soudées par la magie d’...